samedi 2 juillet 2011

Shakuhachi

Sortant hier mes devoirs de vacances de mon sac (oui je sais ils y étaient depuis lundi mais je n'ai fait depuis qu'errer de goûter en goûter), quelle ne fût pas ma stupeur de découvrir, écrit sournoisement en tout petit en haut à droite de ma partition pour flûte ténor, "Sankai Melody", "This piece is to be played 'Shakuhachi' style". Il est d'ailleurs fort possible que je ne sois pas la seule concernée.

Ceci mérite bien un article, sans doute !

Le shakuhachi est une flûte traditionnelle japonaise en bambou, venue de Chine aux environs du 6e siècle. Elle était utilisée comme simple instrument de musique jusqu'au 9e siècle, où elle fût retirée des orchestres suite à une réforme de la musique.
Le shakuhachi fut réintroduit au 13e siècle, cette fois comme instrument religieux, par l'ordre bouddhiste Fuke.

Le nom "shakuhachi" provient de la taille de l'instrument (1,8 pieds) : "shaku" vaut un pied japonais (soit 30,3 cm) et "hachi", huit dixièmes de pied, ce qui donne en tout environ 55 cm (10 cm de moins à peu près qu'une flûte ténor).

Le shakuhachi est taillé dans une tige de bambou dont l'intérieur est laqué, et présente 5 trous dont un à l'arrière. C'est un instrument pentatonique (= 5 notes), sans demi-tons.

L’embouchure du shakuhachi présente un bord biseauté, permettant au joueur de contrôler très finement la hauteur du son, en un mouvement d’abaissement ou de montée de l’instrument, par rapport à l’axe des lèvres.

Il existe plusieurs écoles pour le style de jeu.


J'ai écouté plusieurs vidéos, mais je trouve celle ci-dessous tellement belle que je n'ai pas envie d'en mettre d'autre...

La musique est jouée par un Komusō  (moine mendiant et itinérant de l'école Fuke du bouddhisme zen, pendant la période d'Edo entre 1600 et 1868) (mais celui-là est sans doute beaucoup moins vieux).

Le Komusō était caractérisé par un panier de paille (en jonc ou en roseau, appelé tengai) porté sur la tête, manifestant l'absence d'ego spécifique en masquant son identité. On peut d'ailleurs traduire Komusō par "prêtre du non-être", ou "moine de la vacuité".

Je trouve très beau sur la vidéo le contraste entre la musique au premier plan et le vacarme de cette rue d'une grande ville, qu'on ne fait presque que deviner.

Les Komusō étaient donc aussi connus pour leurs morceaux solo de shakuhachi. Ces pièces, appelées honkyoku ("pièces originales") étaient jouées pendant une pratique méditative appelée suizen, pour l'aumône, comme méthode pour atteindre l'illumination, et comme procédé de guérison.

Après la période Edo, le gouvernement japonais introduisit des réformes, abolissant la secte Fuke. Le répertoire musical a survécu, et a été rejoué au XXe siècle.



"Ma vie est apparue comme la rosée
Et disparaît comme la rosée"
Toyotomi Hideyoshi, 16e s.



C'est évidemment très différent de souffler dans une flûte à bec "façon shakuhachi" et dans un vrai shakuhachi, en particulier, l'ouverture de ce dernier étant beaucoup plus large, j'imagine qu'il est plus difficile de diriger précisément le souffle (comme dans une bouteille de lait vide, qu'ils disent, euh, je fais jamais ça moi d'habitude ?!?).



La deuxième vidéo est en anglais, vous n'êtes pas obligé(e)s de tout écouter, c'est seulement pour voir à quoi ressemble une partition pour shakuhachi (au Japon, la façon de noter la musique n'est pas unique comme chez nous, mais dépend de l'instrument).



La partition se lit de droite à gauche et de haut en bas. Les caractères indiquent les notes, mais aussi les respirations et les tempi.