jeudi 9 février 2012

Johann Mattheson

Après le superbe trio de Staeps magistralement interprété dont elles ont régalé nos oreilles lors de la dernière audition, nos trois inséparables s'attaquent maintenant à la sonate op.1 n°3 pour trois flûtes à bec alto de Johann Mattheson.

Johann Mattheson (1681-1764) est un compositeur et théoricien allemand de la période baroque. Il est fort possible que ce nom ne dise rien à plusieurs d'entre vous (d'entre nous, devrais-je dire). Pourtant, Mattheson était à son époque, dit-on, plus célèbre que Bach (Jean-Seb).

Le petit Johann est un enfant prodige (encore un !), qui enseigne déjà la musique à 9 ans, et donne des concerts publics à l'orgue. Il joue aussi du violon et du clavecin et chante en s'accompagnant à la harpe. C'est un grand ami de Georg Friedrich Haendel, avec qui il travaille. Ils resteront amis toute leur vie, malgré une petite dispute, oh, trois fois rien, juste un petit duel (lors d'une représentation de l'opéra Cleopatra de Mattheson dans lequel ce dernier tenait lui-même le rôle d'Antoine, Haendel refusa de lui céder la place au clavecin après la mort du héros : l'affaire se termina par un duel au cours duquel Mattheson faillit trucider son copain)  - mais ils ne tardèrent pas à se réconcilier.

Mattheson devient définitivement sourd en 1728 (à 47 ans, donc) et se consacre alors à l'écriture musicologique et à la traduction littéraire. Un grand nombre de ses écrits et partitions, que l'on croyait perdus lors de la Seconde Guerre mondiale, ont été retrouvés en 1998. 


mercredi 8 février 2012

La musique sérielle (2) : est-ce vraiment de la musique ?

Après avoir abordé le principe général ici (oui je sais, ça fait longtemps, allez donc réviser un peu vos bases), essayons maintenant de comprendre comment avec quelque chose d'aussi simple, on peut écrire de la vraie musique (je mesure parfaitement le risque qu'il y a à employer l'expression "vraie musique" ; mais restons-en là pour aujourd'hui).

Notre intervenante précédente, l'éminente musicologue Leona von S., étant retenue ailleurs par ses obligations professionnelles, nous recourrons aujourd'hui aux services de sa non moins brillante collègue et cousine : Leonarda Da S. Leonarda, c'est à vous.




Merci. Notre amie Leona en était donc restée au principe de base suivant : chaque note ayant une valeur égale sans en favoriser aucune, il s'agit d'utiliser les douze notes de la musique occidentale dans un ordre déterminé une fois pour toutes pour un morceau donné.

Évidemment, il ne suffit pas de répéter à l'infini ces douze notes l'une derrière l'autre sans y rien changer. On a quand même le droit à quelques petites fantaisies !

Notre série une fois constituée comme matériau de base, va donc pouvoir faire l'objet de certaines transformations (ouf !). On est certes dans l'atonalité, mais le choix d'une série va quand même bien donner son caractère particulier à l'œuvre (travaux pratiques de mathématiques pour nos collégiennes : à partir des douze notes de la gamme chromatique occidentale, combien de séries différentes peut-on créer ?) (je sens que je viens de me faire des amies).

Ces transformations vont nous permettre de donner naissance à des séries dérivées. Mais pas n'importe comment ! Il y a des règles ! Je vais essayer de faire simple (il faut savoir s'adapter à son public).

De notre série de base, nous pouvons déduire trois autres séries : la série rétrograde (en commençant par la fin), la série contraire ou en miroir (les intervalles ascendants deviennent descendants et réciproquement), et la série contraire-rétrograde (qui est donc la combinaison des deux). Ces quatre séries pourront également être transposées (c'est à dire décalées d'un certain intervalle, plus haut ou plus bas). De plus, chaque note peut être transposée à l'octave indépendamment des autres. Ce qui fait qu'au final, ce n'est pas parce qu'on utilise toujours la même série de notes que ça s'entend comme tel.

On va peut-être écouter un petit quelque chose ?

La première composition sérielle d'Arnold Schoenberg semble être ses cinq pièces pour piano opus 23 (1923). Ici, le premier mouvement.




Les deux élèves principaux d'Arnold Schoenberg sont Alban Berg (1885-1935) et Anton Webern (1843-1945) (pour la maman de Fifi : Alban Berg est mort d'une septicémie ; Webern, quant à lui, aurait été abattu par erreur sur sa terrasse tyrolienne en septembre 1945 par une sentinelle américaine - quant à Arnold, je ne sais pas).

L' œuvre  la plus connue d'Alban Berg est sans doute le Concerto à la Mémoire d'un Ange (composé en 1935 à la mémoire de Manon Gropius, la fille d'Alma Mahler et de l'architecte Gropius, morte à 18 ans de la poliomyélite). Notons que ce petit coquin d'Alban a subrepticement introduit quelques miettes de tonalité dans sa dodécacophonie en y insérant un choral de Bach (Jean-Seb) et une chanson populaire.




Anton Webern, quant à lui, fut beaucoup plus radical dans son application du sérialisme.




Vous aurez sans doute remarqué que notre ami Arnold, tout bien intentionné qu'il fût, n'avait appliqué son sérialisme qu'à l'une des caractéristiques de la musique : la hauteur.
Après lui, d'autres (Boulez, Stockhausen,...) vont généraliser ce principe aux autres paramètres du son en faisant des séries de rythmes, des séries de timbres (chaque instrument jouant l'un après l'autre toujours dans le même ordre), des séries d'intensité... C'est ce qu'on appelle le multi-sérialisme, ou sérialisme intégral.
(N.D.L.M.D.L. (*) : J'ai moi-même essayé la série de fautes, dite aussi ribambelle de canards, mais je ne parviens pas à les faire toujours dans le même ordre. Manque de pratique, peut-être).


(*) N.D.L.M.D.L. = Note De La Maman De Léone




Je pense qu'il est maintenant plus que temps de prendre congé de notre amie Leonarda, que nous remercions pour ses précieuses explications (tout le monde est encore là ?). Merci Leonarda, bon retour, et à bientôt, peut-être dans un exposé sur la musique répétitive, afin d'être bien sûrs de ne pas confondre ? (je dis bien : peut-être, disons... s'il reste des survivants).