dimanche 26 juin 2011

La musique sérielle (1) : comment en est-on arrivés là ?

Bon, depuis le temps que je réclame et que personne ne se dévoue, j'ai décidé de prendre le hérisson par les piquants le taureau par les cornes et de faire appel à THE international specialist de l'affaire : l'éminente musicologue Leona von S., qui nous livre aujourd'hui quelques miettes de son immense culture musicale. Leona, c'est à vous.


Oui, hmm hmm, bon alors, la musique sérielle, comme son nom l'indique, est une musique basée sur une règle de composition simple : la répétition d'une suite de notes déterminée au début du morceau. Ah ! ça paraît simpliste au premier abord, mais en fait, pas tant que ça !

D'abord un petit historique. Je vais essayer de ne pas faire trop long, car c'est le genre de sujet qui n'a l'air de rien, mais quand on tire sur le bout de la ficelle, c'est toute la pelote qui vient avec. On pourrait penser que l'histoire de la musique sérielle commence avec la musique sérielle, mais c'est comme pour les révolutions, s'il y a révolution, c'est qu'il y a quelque chose à révolutionner. Je ne suis pas sûre d'être très claire.

La musique que nous connaissons tou(te)s le mieux, grâce aux efforts démesurés de nos professeurs de formation musicale, et aussi au fait que nous avons baigné dedans depuis qu'on est tout(es) petit(e)s, c'est la musique tonale. Vous avez tou(te)s à l'esprit ces questions perfides délicates à la découverte d'un morceau : "en quelle tonalité on est ?", "comment tu chiffrerais cet accord ?", etc... etc... et ça dure depuis des siècles ! Disons, à peu près... cinq.

Schönberg schönen Berg
Alors forcément, il arrive un jour où quelqu'un se dit qu'il devient vraiment difficile de faire du neuf avec du vieux, et qu'il va falloir trouver quelque chose de carrément différent. Ce quelqu'un en l'occurrence, c'est Arnold Schoenberg : en 1923, il invente le sérialisme dodécaphonique (dodécaphonique = douze notes). Mais attention ! Notre ami Arnold n'est pas un jeune voyou qui déboule comme un hérisson dans un lâcher de ballons un chien dans un jeu de quilles en reniant l'héritage de ses ancêtres ! Bien au contraire (si j'osais je dirais même que c'est une jeune pousse sur un vieux Rameau ah ah ah) !

Schönberg
Arnold Schönberg, né à Vienne en 1874, a commencé sa carrière comme compositeur romantique, fervent admirateur de Wagner et de Brahms. Analyste et théoricien dans l'âme, il constate que l'évolution de la musique à l'issue du romantisme amène petit à petit à une sorte d'éclatement de la tonalité, avec des successions de modulations de plus en plus décoususes rapides, des tas de notes étrangères aux accords, des dissonances de plus en plus insupportables audacieuses... De là à tenter de s'affranchir complètement de la tonalité, il n'y a qu'un pas, qu'Arnold franchit donc allègrement en fixant ses règles de la composition sérielle, afin de mettre un peu d'ordre dans ce joyeux bazar post-tonal. Un peu de rigueur, que diable !

Le principe de base est donc le suivant : toutes les notes sont égales (je vous l'avais bien dit que c'était révolutionnaire !), aucune d'entre elles ne doit pouvoir être suspectée d'être une tonique, donc se répéter plus de fois que les autres. La solution : utiliser les douze notes de la musique occidentale (si si, comptez bien, il y en a douze), dans un ordre déterminé une fois pour toutes pour un morceau donné : la série.


Bien sûr, avec ça, il faut quand même pouvoir faire de la vraie musique... mais nous verrons ceci dans un prochain épisode, car c'est dimanche et notre chère Leona souhaite passer cette journée en famille, qu'elle a fort nombreuse et j'ai pas envie de la payer en heures supp'.

Épisode suivant

samedi 18 juin 2011

La musique de Barbe-Bleue

Au départ, la maman de Fifi m'avait demandé de mettre Greensleeves sur le blog, j'avais répondu que bof, Greensleeves, tout le monde connaît...

Henri VIII enfant
Mais d'un autre côté, hormis le fait que c'est quand même très agréable à entendre, ça me donne l'occasion de parler d'un personnage assez... paradoxal : Henri VIII d'Angleterre, le roi aux six femmes dont deux ont été décapitées sur son ordre (Anne Boleyn et Catherine Howard), deux ont été répudiées (Catherine d'Aragon et Anne de Clèves) et deux sont mortes en couches (Jeanne Seymour et Catherine Parr, mais pour cette dernière il n'y est probablement pour rien, étant déjà mort lui-même depuis un an).

C'est Henri VIII (1491 - 1547) qui a inspiré le personnage de Barbe-Bleue à Charles Perrault (allez savoir pourquoi, ce n'est quand même pas à cause de la couleur de sa barbe ?).

Notre ami, cruel et jaloux, avait donc une fâcheuse tendance à faire décapiter les gens, mais il avait néanmoins des aspects plus sympathiques. N'étant pas au départ censé régner car il avait un frère aîné (Arthur, mais il est mort), il était destiné à l'Eglise (catholique, à l'époque - ce n'est que plus tard que Henri fera basculer l'Angleterre vers l'anglicanisme, c'est la faute au pape qui lui a refusé le divorce avec Catherine d'Aragon) et c'est pourquoi il reçut une éducation musicale.

Lorsqu'il monta sur le trône en 1509, la musique prit une place très importante à la cour. Vers 1547, Henry VIII y avait rassemblé environ cinquante-huit musiciens.  Il éprouvait lui-même beaucoup de plaisir à chanter et à jouer de la musique, il jouait de l'orgue, du luth et de l'épinette (comme quoi, personne n'est complètement mauvais). Trente-quatre de ses compositions sont parvenues jusqu'à nous.

C'est peut-être lui qui aurait écrit le texte de Greensleeves en l'honneur d'Anne Boleyn (qui serait donc cette "Dame aux manches vertes" ?), mais on n'en a pas la preuve.
Le compositeur de la musique est anonyme, dommage pour lui car son tube a traversé les siècles (en aviez-vous reconnu le thème dans la chanson Amsterdam de Jacques Brel ?).

En voici donc quelques versions... on a l'embarras du choix !

Jordi Savall et viole de gambe :  
Greensleeves to a ground (ground = basse obstinée en anglais)




Une version à la flûte à bec, quand même ! C'est Hans Martin Linde à la flûte, oui oui, celui-là.
(L'esthétique de la vidéo est discutable, mais c'est pas grave, vous n'aurez qu'à fermer les yeux)





Mais éloignons-nous des sentiers trop battus pour écouter deux courtes compositions d'Henri pour la flûte à bec (il paraît qu'à sa mort il en possédait 76 !) :




Et pour finir, un autre tube, paroles et musique d'Henri cette fois, composé peu après son couronnement : "Pastime with good company", ou "The King's Ballad" (je vous préviens, ça reste un peu dans la tête...).

Une version instrumentale :



Une version vocale :



Pour passer le temps,
Chasser, chanter, danser ;
Mon coeur est ouvert ,
Pour mon agrément,
Aux meilleurs divertissements ;
Qui me l’autorisera ?

La jeunesse doit quelque peu badiner,
Avoir du bien et du mal de l’expérience ;
Rien de meilleur dès lors que la compagnie,
Pour dissiper toute pensée, toute fantaisie,
Car la paresse de tout vice
Est la mère
Qui peut donc prétendre
Que rire et plaisir
Valent plus que tout ?


La compagnie en toute honnêteté est vertu,
Tout vice appellera refus ;
La compagnie est bonne et mauvaise chose à la fois,
Mais tout homme en a le libre choix,
Poursuivre le meilleur,
Fuir le pire,
Tel sera mon dessein ;
Cultiver la vertu,
Refuser le vice,
Ainsi me comporterai-je ?



Et enfin une version (presque) contemporaine (contemporaine de la maman de Léone, en tous cas), celle de Jethro Tull, groupe de rock des années 60 (si si, c'est bien, vous allez voir !) :

lundi 13 juin 2011

Ende

Cette pièce contemporaine a été jouée cette année à l'examen de fin de 2ème cycle, et voilà qu'elle vient maintenant enrichir le répertoire de deux de nos camarades !

"Ende" a été composée en 1981 par Louis Andriessen, pour deux flûtes à bec alto jouées par un seul flûtiste.

Louis Andriessen (à ne pas confondre avec son père Hendrik, son frère Jurriaan, sa sœur Cæcilia et son oncle Willem, tous compositeurs) est un compositeur néerlandais né en 1939 à Utrecht (réjouissez-vous petites chanceuses, vous jouez de la musique vivante !).


Après avoir expérimenté le sérialisme (alors ? j'attends mon article, toujours pas de volontaire ?), la musique d'Andriessen s'est détachée de l'avant-garde des années 1950, pour se référer plutôt au jazz, à Stravinsky son grand modèle, au travail rythmique des répétitifs américains (fondé sur la répétition de très courts motifs mélodiques, harmoniques ou rythmiques, voire sur la répétition d'un son unique, ce qu'on retrouve d'ailleurs dans Ende), et retrouver une harmonie consonante ou polytonale (superposition de deux ou plusieurs éléments musicaux appartenant chacun à une tonalité différente).  
Louis Andriessen est aussi attiré par l'opéra.


Ende étant dédicacée à Frans Brüggen, il était normal que je choisisse sa version (et ce n'est naturellement pas la pire que l'on puisse trouver, mais ça, je vous laisse l'imaginer...).

Comment nettoyer sa flûte en bois ?


Afin de venir en aide à une jeune flûtiste étourdie, qui a laissé le pense-bête écrit au creux de sa main se décalquer sur sa flûte en la chauffant (en plus maintenant c'est écrit à l'envers, sur la flûte !), nous inaugurons une nouvelle rubrique consacrée à l'entretien des flûtes à bec en bois.


Nous suivrons donc aujourd'hui les conseils de Vincent Bernolin, facteur de flûtes à bec (les commentaires qui ne sont pas en italiques ne sont évidemment pas de Monsieur Bernolin) :

Vous pouvez utiliser un chiffon légèrement imprégné d’eau savonneuse, mais non détrempé. 

Certains détachants textiles  peuvent être d’un grand secours pour éliminer les traces de doigts sur les flûtes en bois clair (ce qui est à mon avis à tester avec précaution ; V. Bernolin cite la marque "Hascherpur" dont je n'ai jamais entendu parler)

Si votre flûte n’est pas vernie et a un contact poisseux (ce qui est bien aussi, c'est de se laver les mains avant de jouer, surtout quand on a mangé des frites avec ses doigts, ou du nougat, ou les deux ; le brossage des dents est également profitable, afin d'éviter la propulsion accidentelle de résidus de nourriture dans le canal) , vous pouvez utiliser de l’acétone ou de l’essence F sur les bois européens (j'imagine que ce qu'il entend par "bois européen" est un bois existant en Europe, même s'il a en réalité poussé ailleurs, ce qui paraît difficile à savoir)


Note : l'essence F est commercialisée en grande surface ou magasin de bricolage en bouteille d'un litre. La mention "Essence F" figure toujours sur le flacon mais parfois à l'arrière et en petit. La dénomination commerciale peut être "détachant textile taches grasses" ou "essence à nettoyer". Si la mention "Essence F" ne figure pas sur le flacon, le produit en question est un autre mélange et ne peut pas s'y substituer.




Dans tous les cas, n’hésitez pas à cirer la flûte immédiatement après.

Vous pouvez cirer l’extérieur de votre flûte avec de la cire d’abeille liquide (la cire, pas l'abeille) pour les meubles, ce qui la protégera des taches et des traces de doigts. Je vous conseille les cires de marque Johnson ou Libéron (cire d'antiquaire). Procédez par couche fine, et laissez sécher une heure. Essuyez soigneusement l’excédent avec une serviette éponge.


jeudi 2 juin 2011

Affligeant ? ou rassurant ?

Les japonais de chez Toyota ont inventé un robot qui "joue" du violon...

Ça peut faire peur, mais finalement n'importe quel petit musicien humain amateur fera toujours mieux, même si c'est un peu faux... 

Quant à l'intérêt de dépenser plein de temps et plein de sous pour faire ça, euh...