mercredi 25 janvier 2012

La musique transparente...

... ou comment un instrument transparent peut transmettre cette propriété à la musique si cristalline qui en émane, comme une expression insaisissable de sa fragilité ...


Il existe un certain nombre d'instruments transparents, en verre ou même en cristal, mais celui auquel je me m'intéresse aujourd'hui est l'Armonica de verre [en anglais glass (h)armonica].


Benjamin Franklin et son Armonica
Vers le milieu du XVIIe siècle, il était courant que des musiciens amateurs jouent sur des "verres musicaux", comme on l'a tous fait enfants à la fin des repas (vous vous rappelez, ces interminables repas de famille où toute distraction était la bienvenue) en remplissant des verres à des hauteurs différentes pour obtenir plusieurs notes.  Benjamin Franklin (celui du paratonnerre) assiste un jour à l'un de ces concerts : il est charmé par la douceur et la beauté du son. En bon inventeur (et musicien : il jouait du violon, du violoncelle, de la harpe et de la guitare), il a aussitôt l'idée d'appliquer le principe du "doigt mouillé" à sa propre création musicale.

Franklin mit au point son premier Armonica en 1761. Il consistait en une série de bols de verre de tailles croissantes, séparés par du liège et assemblés sur une tige métallique, reliée à une roue actionnée par une pédale. La taille de chaque bol était adaptée à la note désirée sans qu'il y ait besoin de les remplir de liquide (beaucoup plus simple à transporter !). Le son était produit par le contact d'un doigt mouillé sur le rebord du bol. Afin d'identifier les notes, Franklin avait peint les bols correspondant aux touches blanches du piano avec les sept couleurs de l'arc-en-ciel, et en blanc les bols correspondant aux cinq touches noires.


L'Armonica de Benjamin Franklin (1761)
(photo du Franklin Institute de Philadelphie)

Cet instrument connaît un succès immédiat. Il est utilisé par le célèbre hypnotiseur Mesmer qui l'utilise pour traiter ses patients. C'est chez lui que va le découvrir Mozart (vous voyez qui ou je détaille ?), qui lui dédiera en mai 1791 sa dernière œuvre de musique de chambre (Adagio et Rondo KV 617), à l'Armonica accompagné de la flûte, du hautbois, de l'alto et du violoncelle.




D'autres célébrités ont composé pour l'Armonica de verre (Beethoven, C.P.E. Bach, Richard Strauss, Saint-Saëns...).


La Danse de la Fée Dragée de Casse-Noisettes (Tchaïkovski) :



L'Armonica reste très populaire jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, où un décret de police l'interdit dans certaines villes d'Allemagne après la mort d'un enfant pendant un concert. Ses sons sont accusés de faire hurler les animaux ou de provoquer des accouchements prématurés. On dit que sa sonorité étrange et obsédante invoque les esprits des morts... Plusieurs interprètes sont devenus malades ou fous (peut-être atteints de saturnisme à cause du contact répété de leurs doigts avec le plomb contenu dans le verre).

L'Armonica de verre a ensuite progressivement disparu, mais il connaît un renouveau depuis les années 1980 grâce à un maître souffleur de verre américain, Gerhard Finkenbeiner. Il a été utilisé dans plusieurs musiques de films.




Voulez-vous essayer vous-même l'Armonica de Benjamin ? C'est ici.

Et vous pouvez voir ici un diaporama présentant des instruments diver(re)s, dont certains très étonnants - et très beaux - (un psaltérion, un violon, des cloches...).

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